lundi 14 mars 2016

Plan Figaro V,3

I Un monologue original et très travaillé

1) un monologue original
2) une écriture étincelante
3) le sens de la mise en scène

II La diversité d'une vie aventureuse

1) les caractéristiques de la vie de Figaro
2) la succession des expériences : essai > échec
3) rapidité de passage de l'essai à l'échec
4) les épisodes intermédiaires : lassitude ou désespoir

III Tableau critique de la société du XVIIIème siècle

1) les différentes cibles de la critique
2) la virulence de la dénonciation
3 les allusions de caractère autobiographiques

IV La philosophie de Figaro

1) les interrogations et l'incertitude
2) une philosophie de l'action
3) une réelle connaissance de soi

mercredi 9 mars 2016

Aragon, prolongements

Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
          Il n'y a pas d'amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
          Il n'y a pas d'amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
          Il n'y a pas d'amour heureux

Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
          Il n'y a pas d'amour heureux

Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
          Il n'y a pas d'amour heureux
          Mais c'est notre amour à tous deux


Louis Aragon (La Diane Francaise, Seghers 1946)

Très beau commentaire du vers central de Racine qui anime la rêverie d'Aurélien :


"Je demeurai longtemps errant dans Césarée" ? Un vers, pourtant, qu'Aurélien "ne trouve même pas un beau vers", mais dont il se "doute" bien toutefois qu'il doit receler quelque charme (au sens classique du terme) qui "explique" son pouvoir "obsédant". Quel charme ? C'est ce qu'il ne saurait dire. Néanmoins, il note bien que ce vers "revient et revient", comme une "romance", comme une "scie". Car tel est bien l'envoûtement de cet alexandrin racinien: musical avant tout, plus précisément vocal. Le "chant" n'est-il pas l'"enchantement" premier, l'"incantation" originelle, comme en témoigne l'étymologie ? Ce vers est donc chantant. Qu'est-ce qui le fait tel ? Sa remarquable harmonie rythmique et phonétique, toute en symétries, échos et récurrences. Soulignons, en effet, l'insistance du son "é" (demeurai, errant, Césarée) et plus particulièrement du son "", le deuxième nom fétiche du texte, Césarée, formant même ainsi une rime interne avec "demeurai". R est d'ailleurs la consonne dominante dans ce vers qui tant s'attarde : ("demeurai", "longtemps") dans l'"errance", celle-ci étant prolongée encore par l'aspect duratif du participe présent et une autre, longue, rime interne: "longtemps errant"; sans parler de l'abondance générale des diphtongues qui l'étirent encore... jusqu’à l'indéfini de la rime : "-rée", masculine dirait-on, féminine, en réalité, par ce "e", faussement dit muet, allongeant davantage, comme en mode mineur, la plainte, inextinguible écho final de cette singulière obstination du "e" à l'incipit du vers: "Je demeu...". Et que dire aussi de la frappante symétrie du rythme de cet alexandrin ? Aux quatre syllabes initiales ("je demeurai") répondent exactement, en rimant avec elles de surcroît, les quatre syllabes finales, cependant qu'au centre, les deux pieds de "errant" surenchérissent sur les deux pieds de "longtemps", tout en rimant aussi avec eux de surcroît. Un vers, donc, d'une captivante harmonie, nous pénétrant d'onirique et poignante mélancolie. Un vers dont les multiples et insistants échos lui assurent d'intarissables résonances. D’où son pouvoir de hantise. Mais c'est surtout ce nom de Césarée qui hante et fait rêver Aurélien, nom qui est amené par celui de Bérénice, et dès lors indéfectiblement à lui associé. Tout naturellement, en effet, sa rêverie glisse abruptement de la femme à la ville et de la ville à la femme, comme les tenant intimement confondues: "Brune alors, la Bérénice de la tragédie. Césarée, c'est du côté d'Antioche (...) Territoire sous mandat. Assez moricaude même (...) et des tas de chichis, de voiles. Césarée..."
Une femme qui est une ville, une ville qui est une femme: "Césarée, un beau nom pour une ville. Ou pour une femme". Est-ce un hasard ? Répercutant son écho de l'une à l'autre - Césarée, Bérénice -, voilà que nous retrouvons cette même syllabe, déjà signalée, "ré", que reproduit encore – coïncidence ? - Aurélien. Syllabe incantatoire, par laquelle les trois noms clés du roman se trouvent dès l'origine liés, renvoyant inlassablement l'un à l'autre en un triple miroir vertigineux, en une vertigineuse fugue en "ré" mineur.



L’Inconnue de la Seine est une jeune femme non identifiée dont le masque mortuaire putatif devient un ornement populaire sur les murs des maisons d'artistes après 1900. Son visage est source d'inspiration pour de nombreux travaux littéraires, tant en français que dans d'autres langues.
Selon l'affichiste George Villa qui tenait cette information de son maître Jules Lefebvre, l'empreinte aurait en fait été prise sur le visage d'une jeune modèle qui mourut de tuberculose vers 18751 .
La légende de son suicide prend corps en 1900. Selon celle-ci, le corps de l'Inconnue est repêché dans la Seine à Paris. Un employé de la morgue, saisi par la beauté de la jeune femme, fait un moulage en plâtre de son visage. Au cours des années suivantes, de nombreuses copies sont produites et celles-ci deviennent rapidement un ornement macabre à la mode dans le Paris bohème. Comme pour le sourire de La Joconde, de nombreuses spéculations sont formulées quant à ce que l'expression heureuse de son visage peut révéler de sa vie, sa mort et sa place dans la société.
Les images réalisées ultérieurement au premier moulage montrent un autre aspect intéressant de sa popularité. L'original ayant été photographié, on a tiré à partir des négatifs de nouvelles séries de moulages où apparaissent des détails normalement indiscernables sur les corps ayant séjourné dans l'eau, mais dont la préservation semble renforcer l'authenticité du moulage.
Le critique A. Alvarez écrit dans son ouvrage sur le suicide, Le Dieu sauvage : « L'on me dit que toute une génération de filles allemandes ont modelé leur apparence sur la sienne. » Il rapporte aussi que selon Hans Hesse de l'Université du Sussex, « l'Inconnue devint l'idéal érotique de la période, tout comme Bardot l'est pour les années 1950. [Hesse] pense que des actrices allemandes comme Elisabeth Bergner se sont inspirées d'elle2. »

L'Inconnue dans la littérature française

Jules Supervielle publie en 1929 « L'Inconnue de la Seine » (repris en 1931 dans L'Enfant de la haute mer), un conte où une jeune femme noyée dans la Seine dérive jusqu'au fond de l'océan où elle doit apprendre à vivre avec les autres noyés.
L'écrivain Maurice Blanchot, qui possède l'un des masques, décrit l'inconnue comme « une adolescente aux yeux clos, mais vivante par un sourire si délié, si fortuné, […] qu'on eût pu croire qu'elle s'était noyée dans un instant d'extrême bonheur. »
L'édition originale de la pièce de Louis-Ferdinand Céline, L'Église, parue en 1933 chez Denoël et Steele (troisième volume de la collection « Loin des foules »), comporte un frontispice photographique (d'après une photographie de Amsler & Ruthardt) du masque mortuaire de l'Inconnue de la Seine. Dans un commentaire sur cette œuvre Aragon qualifie celle-ci de « Joconde du suicide »4.
Dans le roman Aurélien de Louis Aragon paru en 1944, l'inconnue joue un rôle important : Aurélien possède chez lui le masque de l'inconnue, qu'il confondra avec le visage de Bérénice, la femme dont il tombe amoureux ; femme qui plus tard lui fera cadeau d'un autre masque, réalisé à partir de son propre visage.
En 1945, Marius Grout, lauréat du prix Goncourt 1943, publie les Poèmes à l'inconnue aux éditions du Seuil, cycle poétique inspiré par l'Inconnue (l'ouvrage contient deux illustrations hors texte, la première reproduisant une photographie du masque).
Dans son roman Le Nom de l'inconnue (éd. Deforges, 1988, réédité chez Gallimard sous le titre L'Inconnue de la Seine en 2012), Didier Blonde raconte sous forme d'une enquête policière les recherches que mène Simon, un libraire, à travers Paris, les rues, les livres et les archives, qui le conduisent du canal de l'Ourcq à la Bibliothèque nationale, en passant par l'Institut médico-légal de Paris, sur les traces de la jeune noyée dans l'espoir de lui rendre son nom et de retrouver, peut-être, un amour perdu.
Deux poèmes de Stanislas Rodanski, parus dans le recueil posthume Je suis parfois cet homme (éd. Gallimard, 2013), évoquent, dès leur incipit, l'inconnue de la Seine : « L'inconnue de la Seine en souriant est passée… » (p. 129), et le poème Héroïne (p. 137) qui commence ainsi : « Demeure Inconnue de la Seine / Étrangère à la pluie nomade / En souvenir de mon absence ».