mercredi 30 décembre 2015

Exposé les lieux (très incomplet)

II) La symbolique des lieux ( dans la structure du roman )

 A) Plassans : un passé entre amis, à l’origine de sa vocation

La première évocation du passé de Claude est faite avec Sandoz durant une séance de pose effectuée dans l’atelier du peintre. Cette discussion analepsique (retour en arrière), permet de présenter les comparses (amis) de Claude avant même l’entrée en scène de Dubuche. Le collège, lieu de leur rencontre, inspire du dégoût, par la façon dont il est décrit : « l’ancien couvent […] par ses horreurs », p56. Il critique également, non sans un certain humour, les enseignants, en utilisant un style beaucoup plus familier, et en rapportant fidèlement les sobriquets de ceux-ci : « une chevauchée lamentable (…) épluchures » p56. Zola procède ensuite à une énumération des farces qu’ils avaient commises étant jeunes, avec de longues phrases exclamatives. C’est durant cette époque, que se construit cette amitié fusionnelle « les trois inséparables » ( p58), avec le goût de la découverte et de la liberté : « ils couchaient au petit bonheur de la route » ; « cette joie sans limite d’être seuls et d’être libres ». Zola décrit un paysage de « liberté » et « de vacances »  p58, le trio sait pécher et chasser à l’âge de 12 ans. L’auteur date leurs passions respectives à ce moment-là, le paysage provençal étant une source d’inspiration pour Claude et Sandoz, qui s’improvisent acteurs. Ces passions les lient et les différencient des autres élèves. Claude conserve un lien important avec son collège : « les murs de l’atelier étaient justement couverts d’une série d’esquisses, faites là-bas par le peintre (…) C’était comme s’ils avaient eu, autour d’eux, les anciens horizons, l’ardent ciel bleu de la campagne », et Zola relate la beauté incomparable du paysage : « la gorge des Infernets ouvrait son entaille béante (…) mares de sang » ( p61).
Zola raconte l’enfance très heureuse des trois amis inséparables, dans un cadre leur offrant beaucoup de liberté, ce qui est symbolique, d’où sa passion pour les paysages. Le fait de côtoyer la nature au quotidien a éveillé leur créativité et leur a permis de vivre leur passion du dessin et de l’écriture, tout en conservant un désir ambitieux et de fuite vers Paris.

B) Bennecourt : l’utopie du lieu paradisiaque qui tourne en désillusion

Bennecourt est un lieu très symbolique dans le récit : il représente le paroxysme de l’amour qui unit Claude et Christine.  
Bennecourt, petit village de Normandie à proximité de la Seine, est le cadre de leur lune de miel. Cela contribue à leur amour « tout de suite, leurs lèvres s’unirent dans un baiser avide » p170 et à leur bonheur : « Ah ! Que ce serait bon de s’aimer là, au fond de ce trou, si loin des autres ! ». Zola décrit un confort démesuré, une maison trop large et un jardin constituant un cadre paradisiaque « c’était une grande lanterne de maison (…) enclos d’une haie vive » p171. Cette maison est l’utopie d’une terre promise « C’était le bout du monde qu’ils cherchaient l’un et l’autre » avec une connotation protectrice «  un gazon d’une douceur de velours », « un abri de feuilles » p 170. Le couple vit une idylle parfaite, dans une félicité parfaite «  mais la désillusion restait sans prise ». Ils vivent leur passion , on retrouve ici l’envie de découverte qui animait Claude durant son enfance avec l’achat d’une barque : « naviguant, découvrant des terres nouvelles » p174. L’amour occupe une place importante dans leur vie, la peinture est reléguée au second plan : « elle-même le regardait avec un sourire gêné, quand elle le voyait n’emporter ni toile ni couleurs », l’ennui est écarté « aucun besoin d’une distraction, d’une visite à faire ou à recevoir ». Cependant l’ennui vient, deux ans et demi après la naissance de Jacques, et, du fait des humeurs noires de Claude, le paysage idyllique s’enlaidit à vue d’œil, le paysage a perdu tout son charme : p197. Cet ennui provenant du souvenir de Paris dans l’esprit de Claude après la visite de Sandoz. Cette monotonie se traduit dans le caractère du peintre «  Un des premiers soirs de pluie, Claude s’emporta, parce que le dîner n’était pas prêt », « il gifla Jacques » et ils finissent par quitter ce village, où vivait leur couple dans une quiétude parfaite.
Ce lieu est symbolique car il symbolise l’amour réciproque de Claude et de Christine : c’est le paroxysme des sentiments qui les unit : la famille est heureuse et en sécurité, un enfant nait de leur union ; et le fait que Claude cède à sa passion pour Paris qui la conduit à quitter Bennecourt, inaugure la rupture de la réciprocité de leur amour et le début de la passion de Claude pour sa nouvelle femme : la peinture.
Conclusion :
L’importance des lieux dans le roman se manifeste par le rôle décisif que ceux-ci jouent dans la destinée de Claude. Par leurs différences, ils marquent l’évolution des caractères et des sentiments des deux protagonistes, Claude mais aussi Christine. En effet, dès lors que Claude se trouve être à la campagne, il se trouve comme libéré de ses ambitions démesurées de succès et des salons. Au contraire, dès qu’il se trouve à Paris et partage sa vie avec Christine, il retombe dans ses passions dévastatrices qui le conduiront à sa propre perte. Bennecourt constitue le point culminant de son bonheur ; le lecteur comprend alors que lorsqu’ils abandonnent leur villa, rien ne sera plus comme avant.

Tout comme dans la Bête Humaine, Zola manie avec habilité le jeu subtil de la passion : en effet, dans les deux romans se sont constitués des trios ; pour la bête humaine, Séverine, son mari et Jacques et pour L’œuvre, Claude, Christine et la femme du tableau. De fait, la comparaison est frappante : dans chacun des deux récits, un élément du trio est mis à l’écart et cette absence conduira à la déchéance d’un des trois personnages du trio.

mardi 15 décembre 2015

première E2 les salons (incomplet)


LE SALON OFFICIEL

Les Salons

I/Le Jury
Le jury est un sujet de mécontentement continuel chez les artistes. En effet c’est le jury qui décide quelles œuvres seront envoyées au salon. Or les membres du jury choisissent souvent les œuvres en fonction de l’auteur de celle-ci. Si c’est un membre de leurs familles, un élève, ami ou protégé d’un des membres, celui-ci va faire pression pour que l’œuvre soit reçue. Par exemple, Mazel, le président du jury, trouve au premier abord une toile qui est présentée très mauvaise mais dè qu’il voit qu’elle est de l’un de ses amis il se ravise et demande à ce qu’elle soit reçue comme la numéro 1 ( ce qui lui donne le droit à la cimaise ?). Et c’était le cas de beaucoup d’autres membres du jury…
Cependant comme pendant un certain temps les artistes et les amateurs d’art ne pouvaient pas élire le jury, ils avaient beaucoup moins de chance que leur œuvre soit acceptée. Plus tard après avoir longuement fait savoir leur mécontentement ils obtiennent qu’(une partie) du jury puisse être élu. Pour faire partie des électeurs il faut avoir été reçu au Salon au moins une fois.  Lors des premières élection Fagerolles et Bongrand sont élus.
Ensuite un président du jury est élu, c’est Mazel qui fut nommé à ce poste. Le président a une certaine autorité et parvient généralement a faire recevoir les toiles qu’il défend.
Le jury étudie les œuvres par ordre alphabétique et il y a 20 jours de séances quotidiennes pour recevoir/refuser les œuvres d’art. 
Pour atteindre le chiffre règlementaire de 2500 œuvres reçues, le jury procède ensuite à une révision générale durant laquelle certains tableaux tout d’abord refusé y sont repris. Chaque juré à le droit à une « charité », c’est-à-dire qu’il a le droit de choisir une toile aussi mauvaise qu’elle fut et celle-ci est alors repêchée. Finalement Fagerolles prend l’Enfant mort pour sa « charité » ce qui permet à cette toile d’être reçue.

II/ Le Salon Officiel
Le Salon officiel ou «Le Salon de peinture et de sculpture » était une manifestation artistique qui avait une place très importante dans le monde des arts de la fin du XIXème siècle. Il permettait initialement de présenter les œuvres des derniers lauréats de l'École des beaux-arts, créée par le cardinal Mazarin en 1648. Puis il s’est ouvert aux artistes de toutes origines sous l'impulsion des peintres Jacques-Louis David et Jean-Bernard Restout. C’était l’unique moyen de pouvoir trouver des clients susceptibles d’acheter les œuvres des artistes et surtout d’accéder à la gloire tant attendue par Claude. En effet, son but ultime étant d’accéder au salon officiel et de s’imposer en tant que nouveau chef de fil qui balayera le style classique et insufflera un nouveau souffle à la peinture. Cependant, de nombreux artistes comme Claude et ses amis voyaient leurs œuvres refusées par un jury sévère et corrompu : « et il reconnaissait du reste l’utilité du Salon, le seul terrain de bataille ou un artiste pouvait se révéler d’un coup. Le Jury refusa le tableau » et « quand le Jury de nouveau lui eut fermé le Salon ».Chapitre VII Pour y être reçu, l’aspirant devait d’abord soumettre une ou plusieurs œuvres servant de base au choix du sujet imposé, dans le genre choisi par lui. Ensuite, il réalisait le projet en définitif et le présentait pour réception. L’œuvre s’appelait alors le « morceau de réception » qui devenait propriété de l’Académie. Après le vote du jury, les différentes œuvres d’art que ce soit des peintures ou des sculptures comme la vendangeuse de Mahoudeau étaient disposés dans des salles ou le public pouvait venir les observer. Le Salon qui ouvrait une fois par an a rejeté chaque fois les œuvres de Claude comme Plein air jusqu’au moment ou Fagerolles prend son dernier tableau L’enfant mort, comme charité. Les tableaux reçu sont classés par ordre et sont exposés dans différentes salles en fonction du nom de l’auteur et du classement du tableau. Les meilleurs tableaux étaient présentés dans le Salon d’honneur, c’est-a-dire toutes les œuvres votées à l’unanimité et qui donc respectait à la lettre le style académique : « Des cadres d’or pleins d’ombre se succédaient, des choses gourmées et noires, des nudités d’atelier jaunissant sous des jours de cave, toute la défroque classique, l’histoire, le genre, le paysage, trempés en semble au fond du même cambouis de la convention. » Chapitre V. On peut prendre l’exemple du tableau de Fagerolles, Le Déjeuner, qui est une copie de Plein Air mais qui respecte ce style académique. Ainsi, il a pu occuper une place d’honneur dans le salon. De l’autre cote, les tableaux jugés « mauvais » étaient mis aux pires places. Par exemple  L’enfant mort  était accroché a plusieurs mètres du sol là où personne ne peut le voir : « Là-haut, c’était bien sa toile, si haut, si haut, qu’il hésitait à la reconnaitre, toute petite, posée en hirondelle sur le coin d’un cadre »Chapitre X.
Avant tout, le salon est un lieu de détente pour le peuple : ils pouvaient autant critiquer les plus mauvais tableaux que s’extasier devant les plus beaux. D’autres voient les Salons comme des lieux de rencontre pour parler et discuter de ce monde artistique. Il pouvait y  avoir jusqu'à  50 000 visiteurs tellement ces Salons étaient apprécié du public.


III/ Le Salon des Refusés
 Le Salon officiel était une institution et avait une place très importante dans le monde artistique de la fin du XIXeme siècle. Il permettait a divers artistes de faire connaître leurs oeuvres, il est plus que cela c’est presque l’unique moyen de pouvoir trouver des clients susceptibles d’acheter les oeuvres des artistes. Cependant, de nombreux artistes voyaient leurs oeuvres refusées par un jury sévère et corrompu mais surtout conservateur et non prêt a accepter les oeuvres novatrices. Fagerolles, un personnage secondaire explique que ces oeuvres sont refusées “parce qu’elles sont réalistes”.
C’est pourquoi l'empereur Napoléon III ouvre un salon pour exposer les oeuvres refusées par le jury. Le premier Salon des refusés fut ouvert á Paris le 15 mai 1863. Ce salon naît de la contestation populaire. Pour exprimer cela, Zola a recours a un procédé d'énumération : “l'éternel mécontentement des peintres, la campagne menée par les petits journaux comme le Tambour, les protestations, les réclamations continues que avaient enfin trouble l'Empereur; et le coup d’Etat artistique de ce rêveur silencieux, car la mesure venait uniquement de lui." Cette mesure aide les artistes en quête de célébrité tout en remontant la popularité de l’empereur.
 Dans le livre, c’est le chapitre V qui traite du Salon des refusés. Claude et Sandoz assistent a la première édition du salon en 1863. Les oeuvres exposées au Salon des refusés sont tout aussi bien logées que celles du Salon officiel. Cette année, ou Claude expose son nouveau tableau Plein Air, refusé par le jury, la foule est très nombreuse et offre une considération si importante á ce salon que le Salon officiel est presque délaissé par la foule. Cette dernière n'hésite pas á se moquer des tableaux qu’elle peut y trouver et plus particulièrement de celui de Claude qui sucite l’hilarité générale. En effet Claude “distingua des rires légers”, de plus “devant certaines toiles des visiteurs plaisantaient”.
 Zola apparaît comme un sévère critique d’art. A travers Claude et ses amis, Zola critique le Salon officiel et son jury qui nous font penser à des enfants, mais c’est surtout le public qui est critiqué, Zola nous montre l’idiotie du public à travers le regard de Sandoz, son double: “Ah! race ennemie, stupidité de bourreaux”. Il insiste sur le fait que les “nouveaux” artistes comme Claude qui fait tout pour créer une oeuvre novatrices sont incompris par les soit disant experts du jury et le public hypocrite. Il reprend le thème du génie incompris comme dans L’Albatros de Baudelaire. Il exprime son soutien pour tout les peintres non reconnus malgré leur talent. En effet, de grands peintres comme Fantin-Latour, Jongkind, Manet, Pissaro ou encore Whistler ont vu certaines de leur toiles refusées par le jury. 

Planchon Antoine, Hussherr Paul, De Alfaro Vittorio, Hallynck Stanislas.

mercredi 9 décembre 2015

L'impressionisme dans l’Œuvre exposé ES2



I. Les grandes étapes du mouvement et les parallèles avec le roman



A)        le personnage principal, figure de réels peintres impressionnistes 


Jusqu'au début du XIXè siècle, l'art pictural officiel en France est dominé par l'Académie royale de peinture et de  sculpture, qui fixe les règles du bon goût.

Au début du XIXè siècle, William Blake ou Francisco de Goya et même Eugène Delacroix avaient déjà posé les bases d'une nouvelle façon de peindre. La technique de peinture impressionniste fut inventée au cours de l'été 1869 quand Renoir et Monet peignirent respectivement La Grenouillère et Bain à la Grenouillère sur l'île de Croissy.

Avec l'invention du tube de peinture souple à partir de la moitié du XIXe siècle, les peintres parisiens sortent des ateliers pour peindre en plein air et pour saisir l'instant, la lumière. Le développement de la technique photographique à la même époque remet en cause ce qui jusqu'alors avait été l'une des fonctions principales de l'art, la représentation fidèle de la réalité. Cela amène donc les impressionnistes à explorer d’autres sujets et d’autres façons de peindre qui privilégient la vision de l'artiste, son impression face au réel et non sa description du réel. Influencés notamment par le réalisme des œuvres de Gustave Courbet, ces artistes privilégient les couleurs vives, les jeux de lumière et sont plus intéressés par les paysages ou les scènes de la vie de tous les jours. Soudés par les critiques parfois très violentes subies par leurs œuvres, ainsi que par les refus successifs du Salon de Paris, institution majeure de la peinture de l'époque, ces jeunes artistes commencent à se regrouper pour peindre et discuter. Parmi ces pionniers, on compte notamment Claude Monet, Pierre Auguste Renoir, Alfred Sisley, Frédéric Bazille, Camille Pissarro, Paul Cézanne et Armand Guillaumin.



Tel le groupe fondé en 1874 par Monet, Claude  constitue un groupe d’artistes. Zola l’annonce au chap. 1 : «  ils avaient réalisé leur rêve : se retrouver à Paris pour le conquérir »

Ainsi autour de Claude Lantier et de Pierre Sandoz se regroupent d'autres personnages qui incarnent les différents domaines artistiques : l'architecte Dubuche, les peintres Bongrand, Fagerolles et Gagnières ; les sculpteurs Mahoudeau et Chambouvard, et le critique Jory.

Ce groupe de jeunes gens veulent révolutionner l'art de leur temps : peintres, sculpteurs ou écrivain poursuivent un même but : renouveler la création, faire des œuvres exprimant leur temps, un temps que la science et les techniques ont transformé.

Le groupe se réunit chez Sandoz ou au café Baudequin, tels les impressionnistes le faisaient chez Manet, ou au café Guerbois. Le café  représente un lieu d'effervescence artistique, presque autant que les ateliers, il est un lieu de formation, un espace de discussion où se forgeaient les convictions communes, comme on peut le voir dans l’Œuvre.

Citations pp 99,102



Les jeudis chez Sandoz :

Tous les jeudis, l’écrivain Sandoz réunit sa bande d’artistes, constitué de ses amis d’enfance.

Les soirées de cette bande d’artistes sont toujours animées par les grandes discussions de ces jeunes gens, révoltés et unis autour d’une même idée : la nécessité de faire triompher la réalité brute et d’en finir avec le romantisme.

Citations pp 77,105, 107

On peut également  noter que Claude, artiste génial mais impuissant, héritier des tares familiales des Macquart, qui met fin à ses jours en se pendant devant sa toile,  est un personnage composite, une création complexe où se mêlent plusieurs images d’artistes impressionnistes : Cézanne, Manet, ou encore Monet.



   B) Expositions et Salons (Salon des Refusés et Salon officiel)



En 1863, l'empereur Napoléon III décrète la tenue d'un Salon des Refusés regroupant les œuvres n'ayant pu être présentées au salon de Paris. C'est là qu'est présenté le Déjeuner sur l'herbe de Manet, qui fait scandale, car il représente une femme nue dans un contexte contemporain. Les critiques sont très violentes.

Devant les refus successifs, en 1867 et 1872, d'organiser un autre salon des Refusés, un groupe d'artistes parmi lesquels Monet, Renoir, Pissarro, Sisley, Cézanne, Berthe Morisot et Edgar Degas décident de constituer la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs en avril 1874 pour organiser leurs propres expositions de 1874 à 1886, dans l'atelier du photographe Nadar.

Une fois encore, le groupe essuie des critiques très violentes. Ainsi, un article du critique  Louis Leroy dans la revue le Charivari, dans lequel il tourne en dérision le tableau de Monet intitulé Impression soleil levant, donne au mouvement son nom :

« Impressionnisme ». Le terme est bientôt repris par le public et par les artistes eux-mêmes.



Les Salons sont consacrés à deux chapitres du roman, d’abord le Salon des Refusés, avec l’exposition de Plein air, puis le Salon Officiel avec L’Enfant mort.

On se souvient en effet que de jeunes artistes, parmi lesquels Monet, Renoir, Sisley, Degas, Berthe Morisot, Pissarro et Cézanne, lassés d'être exclus du Salon, décidèrent de se regrouper au sein d'une exposition indépendante.

 On retrouve dans la description du "Salon des Refusés" des toiles qui évoquent aussi le Salon de 1865 et la première exposition impressionniste de 1874. La toile de Claude, Plein air, est en effet une synthèse du Déjeuner sur l'herbe (1863) et de l’Olympia (1865), deux tableaux de Manet. Les rires qui accueillent Plein Air rappellent d'ailleurs le scandale du Déjeuner sur l‘herbe.

Chap 4 pp 147,153 salon refuses

Chap 10 salon  officiel

. Zola fait ici aussi preuve d’un talent d’observateur, en dépeignant les réactions du public, qui montrent ce que subissaient les impressionnistes à l’époque.

Dans le salon règne une atmosphère très particulière avec un  public rendu très curieux par l’attrait du changement, attiré par le nouveau mais pas encore prêt au changement.



    C) Deux partis pris différents au sein du groupe 


Pour ces raisons, de nombreux conflits existent au sein du groupe. Ainsi, Degas continue à affirmer la domination du dessin par rapport à la couleur, et se refuse à peindre en plein air. Renoir quitte le mouvement au cours des années 1880, avant de le rejoindre à nouveau. Édouard Manet lui-même, qui fut l'un des fondateurs du groupe, se refuse à exposer ses œuvres avec les autres impressionnistes, préférant continuer à insister auprès du Salon de Paris.

Cézanne, Renoir, Sisley et Monet quittent peu après les Expositions impressionnistes pour le Salon. Le groupe des Impressionnistes finit par se séparer en 1886 lorsque Paul Signac et Georges Seurat montent une exposition concurrente. La vente des toiles à cette époque montre le désintérêt de l'État et des marchands pour les œuvres impressionnistes, puisque les rares collectionneurs intéressés (Georges de Bellio, Gustave Caillebotte, Jean-Baptiste Faure, etc.) achètent initialement plusieurs chefs-d'œuvre à des prix dérisoires.



Bongrand, dans l’Œuvre, prend le parti des « intransigeants » qui prônèrent la rupture totale avec le Salon, interdisant même à ceux qu'ils accueillaient de présenter leurs œuvres au jury officiel.

Quant au personnage de Fagerolles, tel Renoir qui rejoint le salon officiel de 1878, et n'envoie rien à la quatrième exposition impressionniste,  il  se résigne à discipliner son pinceau.

Le groupe des impressionnistes se fissura notamment pour des raisons politiques avec l’affaire Dreyfus qui suscita des réactions opposées parmi ses membres, la fin de l’aventure est marquée par la mort de Manet en 1883 son enterrement est la dernière réunion du groupe de peintres impressionniste,  quand à l’Œuvre, les caractères, les jalousies et les situations matérielles mirent fin aux amitiés et l’enterrement de Claude peut en être le symbole.



D) les débuts du marché de l’art



Malgré tous ces désaccords, les artistes impressionnistes gagnent peu à peu les faveurs du public et de leurs pairs, notamment grâce à l'aide de Paul Durand-Ruel, premier marchand de peinture. Celui-ci mise toute sa carrière sur les impressionnistes, achète presque tous leurs tableaux, accumule des dettes, mais fait finalement fortune en faisant des expositions à Londres et New York.

Avec l'essor économique, la peinture va connaître également une grande évolution libérale, en ce sens qu'elle n'est plus seulement, comme par le passé, le fait de "peintres de cour" au service de quelques princes ou puissances temporelles qui leur commandent des œuvres, mais de plus en plus le fait d'artistes indépendants vendant leurs tableaux à des acquéreurs.

L'art va rentrer désormais, au même titre qu'un autre produit, dans une logique de marché.



Ainsi, les personnages de Malgras et Naudet dans l’Œuvre, qui font fortune en revendant des toiles, témoignent de ce commerce prospère en plein essor, notamment à la fin du roman, le premier  incarnant la vielle école dans ses choix artistiques et le second introduisant la spéculation boursière dans le marché de l’art.



Alors que le mouvement impressionniste n'a duré qu'une dizaine d'années et a fait éclater le marché de l'art, il s'oriente dans les années 1890 vers de nouvelles attitudes picturales, traditionnellement considérées comme postimpressionnistes, amenant leurs tableaux à dominer le marché en termes de records de prix, et ce jusque dans les années 1990.



II. L’impressionnisme, mouvement pictural



   A)     Les procédés de peinture impressionniste

Des nouveautés matérielles
L'invention d'un chevalet plus léger et des tubes de peinture permet aux impressionnistes de sortir de leur atelier. Cette facilité les amène également à voyager. Ils prennent le train pour aller peindre des paysages dans toute la France mais également en Italie, en Angleterre ou en Hollande.


La couleur
Ils admirent tous Delacroix qui utilise sur ses toiles des couleurs pures. Ils mélangent peu les couleurs et préfèrent utiliser les primaires et leurs complémentaires.
Il n'y a plus de mélanges. Leur palette est claire pour peindre la lumière et ses effets sur le paysage. Ils sont fascinés par les changements de couleur en fonction des heures de la journée, des saisons. Même les ombres sont représentées par des couleurs vives; c'est la juxtaposition de ces couleurs qui produit une impression d'ombre. L'image se compose dans les yeux du spectateur.

La lumière pour les impressionnistes                                                                                                                

Le point commun entre tous ces peintres rebelles de la fin du XIXè  siècle, c'est leur approche picturale. Ils accordent tous une place très importante à l'effet produit par les variations constantes et imperceptibles de la lumière sur la nature. C'est la raison pour laquelle les impressionnistes peignent dehors. Les peintures ne sont plus réalisées dans des ateliers obscurs, où la lumière ne rentre pas. Les impressionnistes ne cherchent plus la précision, mais plutôt les formes créées par la lumière.

L'objectif est de capter l'impression fugitive d'une scène extérieure. Par exemple, quand Monet décide de peindre une série sur des meules de foin en Normandie, il ne pense réaliser que deux tableaux. Mais il comprend vite que ces meules se transforment au long de la journée, avec les changements de lumière. Monet finit par peindre quinze fois les meules de foin! Le même phénomène s'est produit avec la fameuse série des Nymphéas qui compte cinquante toiles.

La touche

La touche impressionniste est rapide, en virgule. Elle correspond au caractère instantané de leur peinture. Pour reproduire une sensation immédiate, les impressionnistes définissent peu à peu l'espace par une décomposition des couleurs. La fragmentation des coups de pinceaux suggère les formes et les volumes. On ne voit plus le modèle, mais on l'imagine. Il n'est plus qu'une vision abstraite, irréelle.

Les sujets
Leurs contemporains sont choqués par leur nouvelle façon de peindre mais aussi par le choix de leurs sujets. Autour de Claude Monet, ils commencent à peindre des paysages, genre mineur pour l'Académie. Ils admirent les tableaux du peintre anglais
William Turner. Ils souhaitent représenter la vie moderne comme Manet. Ils peignent la ville, les gares, les usines, symboles de la modernité, mais aussi les loisirs de la société. Renoir peint les guinguettes où l'on danse, Toulouse-Lautrec les cabarets et Degas l'Opéra. Il représente tous ceux qui s'y retrouvent: les musiciens, les spectateurs, mais surtout les danseuses sur scène, lors de leurs cours, dans les vestiaires. Les impressionnistes ne peignent pas de scènes mythiques, religieuses ou historiques comme leurs prédécesseurs. Ils préfèrent peindre les gens dans leur vie quotidienne et la nature. En général, les reflets de l'eau sont l'un des thèmes principaux des peintres impressionnistes, comme les jeux d'ombres et de lumière créés par les rayons de soleil dans les arbres.

Le caractère de chaque impressionniste

Cependant, chaque peintre garde une touche personnelle. Selon un critique d'art, «Monet jouissait d'une technique plus habile et c'était le plus audacieux, Sisley le plus harmonieux et le plus timide, Pissarro, le plus réel.» Et chaque peintre a des sujets favoris: pour Monet, ce sont les nénuphars, ces fleurs d'eau vertes, larges et typiques des jardins japonais. On les trouve de la série Nymphéas. Pour Sisley, ce sont le brouillard, la neige et l'eau, pour Cézanne, les villages. Avec l'impressionnisme, la peinture n'est plus une représentation froide et sans vie d'un modèle. Elle commence à vivre à travers les sentiments et les émotions du peintre. En résumé, la révolution impressionniste c'est de peindre ce que nous voyons ; il faut oublier notre vision classique du monde.



  B)  Le Déjeuner sur l’herbe



En 1863, Manet compose « Le Déjeuner sur l’herbe ». Cette œuvre est inspirée du jugement de Pâris de Raphaël et du concert champêtre de Giorgione. Mais l’interprétation est très révolutionnaire et anticonformiste. Exposée au Salon des Refusés (groupement d’artistes opposés à l’académisme ambiant), le tableau fait scandale. Le public aurait accepté cette œuvre si elle avait reproduit une scène historique ou allégorique. Mais ce spectacle transposé dans la réalité engendre de vives critiques.

La composition est très rigoureuse : à l’intersection des diagonales se trouve le personnage central autour duquel gravitent les autres éléments du tableau.

Deux hommes habillés, non sans une certaine élégance, figurent à côté d’une femme entièrement nue.

A l’arrière-plan, une seconde femme située au centre de la scène se baigne. La transparence claire de sa tunique donne profondeur et luminosité à l’atmosphère. Son attitude et son corps à peine voilé annoncent la révélation du nu.

Le spectacle est représenté avec réalisme; d’autant plus que les personnages sont reconnaissables : le nu est le modèle de Manet (Victorine Meurent) ; l’homme au centre le sculpteur Hollandais Ferdinand Seenhoff, la figure de profil, le frère du peintre.

Le panier renversé au premier plan nous introduit dans l’espace et les couleurs de la scène. Il s’appuie sur les habits et le chapeau aux tons blancs, bleus et ocres.

Manet cherche une représentation claire et définie des objets. Il supprime les demi-teintes et le sens des volumes pour les personnages du premier plan. Il associe des tons lumineux, ocres, verts, blancs et des taches rouges pour l’environnement.



Le Déjeuner sur l’herbe est la première manifestation de ce qu’allait être l’impressionnisme. Outre les nouvelles techniques employées, la volonté de peindre du nu et de peindre en plein air est tout à fait novatrice.

L’histoire  de  l’art  est  souvent  ponctuée  de  scandales  :  ce  tableau  en  est  le plus  bel  exemple.  Refusé  au  Salon  officiel  par  le  jury,  il  est  exposé,  avec l’autorisation  de  Napoléon  III,  au  Salon  des  refusés  en  1863    il  soulève une vague de protestations. Les critiques et le public ne tolèrent pas qu’une femme  puisse  se  trouver  nue  au  milieu  d’hommes  habillés.  On  juge  ce  tableau «obscène »,  « pornographique », il choque l’esthétisme, c’est-à-dire le goût artistique de l’époque. Le nu féminin dans la nature est pourtant un sujet  classique  dans  l’art,  mais  d’habitude,  les  femmes  nues  sont  des nymphes  ou  des  déesses,  héroïnes  de  scènes  mythologiques,  ce  qui  est beaucoup  plus  acceptable...  De  plus, cette femme  «  ordinaire  »  regarde  le spectateur, comme si elle l’invitait à entrer dans le tableau : une véritable incitation à la débauche ! A force de scandale, on ne voyait plus en Manet que le provocateur. Pourtant, au-delà du scandale, ce tableau est très novateur. Emile  Zola l’a bien compris, comme on peut le voir dans son Edouard Manet, étude biographique et critique parue en 1867 :

« Le Déjeuner sur l'herbe est la plus grande toile d'Edouard Manet, celle où il a réalisé le rêve que font tous les peintres : mettre des figures de grandeur naturelle dans un paysage ».

« Cette femme nue a scandalisé le public, qui n'a vu qu'elle dans la toile ».

« Ce qu'il faut voir dans le tableau, ce n’est pas un déjeuner sur l'herbe, c'est le paysage entier, avec ses vigueurs et ses finesses, avec ses premiers plans si larges, si solides, et ses fonds d'une délicatesse si légère; c'est cette chair ferme modelée à grands pans de lumière, ces étoffes souples et fortes, et surtout cette délicieuse silhouette de femme en chemise qui fait dans le fond, une adorable tache blanche au milieu des feuilles vertes, c’est enfin cet ensemble vaste, plein d'air, ce coin de la nature rendu avec une simplicité si juste, toute cette page admirable dans laquelle un artiste a mis  tous les éléments particuliers et rares qui étaient en lui ».  

Avec cette Etude, Zola résume admirablement ce nouveau mouvement pictural qu’est l’impressionnisme.

Zola recrée le scandale de la toile de Manet avec Plein air, qui ne passe pas inaperçu au Salon des Refusés.  Le tableau de Claude provoque l’hilarité générale, et les plus vives critiques du public outré. On retrouve dans Plein air certaines caractéristiques du Déjeuner sur l’herbe : la présence d’une femme nue, le monsieur en veston, le cadre naturel, qui justifie le titre du tableau.

Mais le tableau de Claude ne s’apparente pas au Déjeuner sur l’herbe uniquement par son sujet : le fils de Gervaise est un véritable impressionniste, comme Zola le fait transparaître au fil du roman.





   C)       Les procédés de Claude


Tout au long du roman, Zola décrit la peinture de Claude, sa vision artistique. L’impressionnisme est donc omniprésent dans l’Œuvre, comme le montrent ces quelques citations :

« Jamais elle n’avait vu une si terrible peinture, rugueuse, éclatante, d’une violence de tons qui la blessait comme un juron de charretier » (chap 1)

Dans ce passage on reconnaît la touche impressionniste, fragmentée.

« Comprends-tu, il faut peut-être le soleil, il faut le plein air, une peinture claire et jeune, les choses et les êtres tels qu’ils se comportent dans la vraie lumière, enfin je ne puis pas dire, moi ! Notre peinture à nous, la peinture que nos yeux d’aujourd’hui doivent faire et regarder. » (chap 2)

Le travail de la lumière est un point central de la peinture impressionniste, et Zola y fait référence à de nombreuses reprises dans le roman.

« Il la peignit à vingt reprises, vêtue de blanc, vêtue de rouge au milieu des verdures, debout ou marchant, à demi allongée sur l’herbe, coiffée d’un grand chapeau de campagne, tête nue sous une ombrelle, dont la soie cerise baignait sa face d’une lumière rose » (chap 6)

De nouveau, Zola étudie la lumière et ses variations, et la scène se déroule en pleine nature. On peut voir dans ce passage une référence à un tableau de Monet, intitulé Femme à l’ombrelle.

« Après cette année de repos en pleine campagne, en pleine lumière, il peignait avec une vision nouvelle, comme éclaircie, d’une gaieté de tons chantante. Jamais encore il n’avait eu cette science des reflets, cette sensation si juste des êtres et des choses, baignant dans la clarté diffuse. Et, désormais, elle aurait déclaré cela absolument bien, gagnée par ce régal de couleurs, s’il avait voulu finir davantage, et si elle n’était restée interdite parfois, devant un terrain lilas ou devant un arbre bleu, qui déroutaient toutes ses idées arrêtées de coloration. Un jour qu’elle osait se permettre une critique, précisément à cause d’un peuplier lavé d’azur, il lui avait fait constater, sur la nature même, ce bleuissement délicat des feuilles. C’était vrai pourtant, l’arbre était bleu ; mais, au fond, elle ne se rendait pas, condamnait la réalité : il ne pouvait y avoir des arbres bleus dans la nature » (chap 6)

Ce passage est très riche, car on y trouve aussi bien la présence de la lumière, que celle de la nature, mais on y trouve surtout toute la vision impressionniste du monde : peindre selon ce que l’on voit, et non selon les conventions.

« L’idée qu’il n’avait peut-être pas choisi, là-bas, sur la nature, le meilleur éclairage, le tourmentait. Peut-être un effet de matin aurait-il mieux valu ? […] aurait-il dû choisir un temps gris ? […] Sous une tombée de neige tardive, […]  Il la vit, aux premiers soleils, […] un jour de fin brouillard, […] puis, ce furent des pluies battantes, […] des orages, […] des grands nuages de cuivre » (chap 9)



Une fois encore, ce passage témoigne de l’importance des effets produits par la lumière dans la peinture impressionniste, et la place accordée à cette même lumière dans l’Œuvre. Cette représentation d’un même paysage urbain à différentes saisons fait bien entendu penser à La Gare Saint-Lazare,  série de douze toiles peinte par Monet,  représentant la gare parisienne de Saint-Lazare.

« C’est curieux comme tu as une drôle de peau ! Elle absorbe la lumière, positivement…Ainsi, on ne le croirait pas, tu es toute grise, ce matin. Et l’autre jour, tu étais rose, oh ! d’un rose qui n’avait pas l’air vrai… Moi, ça m’embête, on ne sait jamais » (chap 9)

Ici, la lumière est encore la principale préoccupation de Claude, et ce passage souligne l’effet instantané de sa peinture : la couleur de la peau de Christine change avec la lumière, le peintre n’arrive pas à définir une couleur exacte, puisque cela varie sans cesse.

« En effet, le coup de clarté, peu à peu introduit dans la peinture contemporaine, éclatait enfin. L’ancien Salon noir, cuisiné au bitume, avait fait place à un Salon ensoleillé, d’une gaieté de printemps. C’était l’aube, le jour nouveau qui avait pointé jadis au Salon des Refusés, et qui, à cette heure, grandissait, rajeunissant les œuvres d’une lumière fine, diffuse, décomposée en nuances infinies. Partout, ce bleuissement se retrouvait, jusque dans les portraits et dans les scènes de genre, haussées aux dimensions et au sérieux de l’histoire. […] De loin, à chaque pas, on voyait un tableau trouer le mur, ouvrir une fenêtre sur le dehors. Bientôt, les murs tomberaient, la grande nature entrerait, car la brèche était large, l’assaut avait emporté la routine, dans cette gaie bataille de témérité et de jeunesse » (chap 10)

Pour terminer, ce passage reprend les caractéristiques  de l’impressionnisme, introduit dans le roman par Plein air et dans la réalité par le Déjeuner sur l’herbe. La lumière est encore une fois omniprésente, avec le fameux « coup de clarté » qui s’est répandu dans la peinture. Le « bleuissement » auquel Zola fait référence est une des caractéristiques principales de la peinture de Claude. De plus en plus, les tableaux du Salon représentent la nature, comme le montre la phrase « De loin, à chaque pas, on voyait un tableau trouer le mur, ouvrir une fenêtre sur le dehors ».





   D)   L’écriture zolienne, une écriture à l’image de l’impressionnisme



Les porte-paroles de Zola dans L’œuvre sont aussi bien un écrivain qu’un peintre. A l’évidence, les liens étroits de Zola avec des peintres, surtout dans sa jeunesse, ont déterminé sa conception de l’écriture. Les sujets, la technique, la tonalité de la nouvelle école picturale influencent les techniques de l’écrivain.



Il existe un rapport entre les tableaux impressionnistes et les romans de Zola, son style faisant penser aux méthodes descriptives chez ces peintres. De plus, les thèmes de la philosophie naturaliste apparaissent comme une source d’inspiration pour les peintures.

Les peintres, comme Zola, prennent des sujets du monde quotidien.



Dans l’Œuvre, le personnage qui prend en charge les descriptions est souvent Claude dont la sensibilité de peintre joue un rôle déterminant. Tout comme un peintre, Zola fragmente la réalité, sélectionne des éléments.



En outre, tout comme les peintres impressionnistes, Zola omet souvent le détail au profit de l’impression générale : il recourt à des noms abstraits ou encore à des pluriels qui favorisent la suggestion et évitent tout identification précise : « Là, une plaine s’étendait, avec le moutonnement des petits oliviers grisâtres »



La parataxe énumérative est l’équivalent stylistique de la juxtaposition de touches colorées caractéristiques des impressionnistes : «  Le soleil les accompagnait dans cette gaieté vibrante des quais, la vie de la Seine, la danse des reflets au fil du courant, l’amusement des boutiques… ». Et souvent, une vive impression jaillit d’un fond flou

Et on peut considérer l’emploi de la tournure peu recherchée « c’était » qui revient souvent comme la transposition stylistique d’une impression passagère.



La notion de la couleur est omniprésente : « Sous le soleil, couleur de blé mûr, les rangées de marronniers avaient des feuilles neuves, d’un vert tendre, fraîchement verni » et les couleurs se mêlent aux parfums et les sens sont en éveil : « les fleurs en pot des grainetiers (...) tout ce tapage de sons et de couleurs qui fait du bord de l'eau l'éternelle jeunesse de la ville. »

Les effets colorants de la lumière solaire sont aussi souvent évoqués.

Au chapitre IV, on découvre la description de ces couchers de soleil : « Le soleil les accompagnait dans cette gaieté vibrante des quais ». Il nous semblerait presque que la Seine, le soleil, les quais soient personnifiés ; ils prennent vie et Zola dessine des métaphores enflammées qui nous dépeignent un Paris flouté par une vision impressionniste.



Claude affirme qu'il ne veut représenter que la vie : « Ah! La vie, la vie! La sentir et la rendre dans sa réalité, l'aimer pour elle, y voir la seule beauté vraie, éternelle et changeante ».

Tous ces "tableaux de Paris" semblent prendre vie, les descriptions pittoresques sont parfois presque épiques : « La Seine s'enflammait ». Cette Seine qui, au soleil couchant, semble s'embraser est décrite de telle sorte qu'elle pourrait nous rappeler certaines toiles de Monet qui aimait particulièrement peindre ces paysages urbains.



La Seine, que ce soit à Paris ou à Bennecourt, tient un rôle important dans l'impressionnisme de Zola.

On constate, dans la description du soleil se couchant sur la Seine, que le pittoresque de ce tableau est accentué par l'onirisme et l'épique du tableau représenté : « A chacune de leurs promenades, l'incendie changeait, des fournaises nouvelles ajoutaient leurs brasiers à cette couronne de flammes »

C'est une vision très novatrice de la Seine qui devient le symbole du dynamisme et de la vitalité de Paris, mais également de la brutalité de l'acharnement du peintre Claude à être impressionniste et perfectionniste.

L'espace et la manière dont Zola le concrétise dans son écriture et joue avec les lumières contribuent à créer des effets pittoresques et des contrastes de lumières sur cette Seine tant animée.



Il est cependant nécessaire de préciser que, tout en se faisant impressionniste, l’écriture de Zola reste empreinte d’un certain naturalisme. Tout à fait à l’opposé de l’effet de spontanéité recherché par les impressionnistes, une composition très structurée se profile dans le roman.