Le personnage de Claude
dans L'Œuvre de Zola
Introduction
PRESENTATION DE
CLAUDE DANS LES ROUGONS MACQUARTS : Claude Lantier est le personnage
principale, artiste maudit, de L'Œuvre,
quatorzième volume des Rougon-Macquart, projet naturaliste de Zola retraçant le
drame d'une famille sous le second empire, publié en pour la première fois sous
forme de feuilleton entre décémbre 1885 et 1886. Claude est le fils ainé de
Gervaise Macquart (L'Assommoir), né
en 1842, héritant du physique et de la moral de sa mère mais également, une
névrose qui se tournera en génie. L'intrigue se situe entre 1862 et 1870,
débute alors que Claude, peintre de son état, est âgé de 20 ans et s'achève par
son suicide et son enterrement huit années plus tard.
RESUME DE LA
VIE DE CLAUDE : Claude Lantier, ami d'enfance de l'écrivain Sandoz,
est un peintre sans succès qui cherche à imposer une nouvelle forme d'art
pictural. A Paris, il rencontre Christine qui lui servira de modèle pour son
tableau et avec qui il se marie et s'installe à la campagne pour un bonheur de
courte durée. Elle lui donne un fils, malheureusement hydrocéphale, et le
couple retrouve Paris, où Claude finit par abandonner femme et enfant. Il
s'enferme dans un hangar pour peindre une toile gigantesque qu'il ne terminera
jamais et devant laquelle il se suicidera.
PROBLEMATIQUE :
Claude
tient il plus du génie ou de la folie ?
PLAN :
I.
Claude, un personnage aux multiples inspirations
A. Cézanne
B. Zola
C. Monet et Manet
II.
Claude, le génie fou
A. Sa sensibilité
B. Le rapport à
son public
C. L’art, une religion dans une quête de perfection professionnalisme
III.
Claude et le rapport à son oeuvre
A. L’évolution de
sa lutte
B. Haine et amour
pour son art
C.
Claude, l’homme et l’artiste
I Claude, un
personnage aux multiples inspirations
A. Cézanne
Le personnage
de Claude est grandement inspiré du peintre impressionniste Paul Cézanne
(1839-1906), ami d'enfance de Zola avec qui il se brouillera après s'être reconnu dans le roman, en effet,
Cézanne, se retrouvant dans Claude préfèrera nier l’évidence de cette
ressemblance, le prenant comme une lourde critique de son art, et se contente
dans une lettre de « serrer la main » à Zola « en songeant aux
anciennes années ».
Zola reprend ainsi le parcours
de son ami : son enfance aixoise, Aix dans le roman étant remplacé par la
ville fictive de Plassans, endroit ou il se lié d’amitié avec Sandoz,
autoportrait de Zola, ainsi que ses débuts difficiles à son arrivée à Paris.
Tout comme Claude, Cézanne a rencontré des hostilités du jury du Salon
officiel. Claude n'est reçu que par la
charité de Fagerolles pour l'enfant
mort après plusieurs tentatives. De même, Cézanne est finalement reçu en
1882 grâce à la recommandation de Guillemet.
De plus, Zola a plusieurs fois
jugé l’œuvre de son ami (1877 : "les toiles si fortes de ce peintre
peuvent faire sourire les bourgeois, elles n'en indiquent pas moins les
éléments d'un très grand peintre. Le jour où Paul Cézanne se possédera tout
entier, il produira des œuvres tout à fait supérieures". 1880 : "M.Cézanne,
un tempérament de grand peintre qui se débat encore dans ses recherches de
facture." 1896 : ..."les parties géniales d'un grand peintre
avorté".)
B. Zola lui-même
Bien que le
double de Zola reste le personnage de Sandoz, celui ci apparait également chez
Claude. Par
contraste avec Sandoz, Claude est un artiste à la personnalité fragile et au
tempéraments exacerbé (douloureux, aigüe…).
Dans l’ébauche
de l’œuvre, Zola dit : "Avec
Claude Lantier, je veux peindre la lutte de l'artiste contre la nature,
l'effort de la création dans l'oeuvre d'art, effort de sang et de larmes pour
donner sa chair, faire de la vie: toujours en bataille avec le vrai et toujours
vaincu, la lutte contre l'Ange. En un mot, j'y raconterai ma vie intime de production, ce perpétuel accouchement
si douloureux...".
C. D'autres peintres (Monet,
Manet...)
Claude est le double de Cézanne
mais également de Monet et de Manet, ce qui fait de lui un être varié et
unique. Lorsque Monet fait part de son inquiétude, de son trouble, il analyse
exactement ce qui sera l’éternel quiproquo de l’œuvre : « Vous avez pris soin, avec intention,
que pas un seul de vos personnages ne ressemblent à l’un de nous, mais malgré
cela j’ai peur que dans la presse et le public, nos ennemis ne prononcent les
noms de Manet ou tout au moins les nôtres pour en faire des ratés, ce qui n’est
pas dans votre esprit, je veux le croire. »
Claude fait penser à Manet
notamment avec la ressemblance Plein air et de Un déjeuner sur l’herbe également refusé au salon officiel
Comme Claude, Monet fait des
recherches sur les variations de la lumière et a tenté de se suicider.
Avec Claude, Zola fit le portrait d'un de ces artistes maudits dont les
exemples sont nombreux (Baudelaire, Nerval, Verlaine, Van Gogh) et dont le
talent n'a été reconnu qu'après leur mort.
II- Claude, le génie fou
A- Sa
grande sensibilité
Claude a une sensibilité exacerbée : il peut passer d’une
joie extrême à un désespoir profond ou même à la colère, (comme la scène de
l’incipit où il court sous la pluie, il change de décision par rapport à sa
réaction avec rage : « , ou encore quand il arrive et n’arrive plus
successivement à composer pour son œuvre : "de cette fièvre chaude, il
était tombé dans un abominable désespoir, une semaine d'impuissance et de
doute, toute une semaine de torture...."), la violence : il lacère ses
toiles dans certains excès de colère ( "quand la toile lui revint, il prit
un couteau et la fendit... " ou "le poing avait tapé en plein dans la
gorge de l'autre, un trou béant se creusait là. Enfin, elle était donc tuée !
").
Zola explique ce caractère particulier
par l’hérédité des tares de sa mère, Gervaise Lantier (L’Assommoir) étant
alcoolique : "oui ce devait être cela le détraquement héréditaire qui
... au lieu de faire un grand homme allait faire un fou.". Ainsi, l’Œuvre
s’inscrit dans la série des Rougon-Macquart pour le travail de naturaliste de
l’auteur
B- Le
rapport à son public
Pour Zola, un artiste est celui qui
renouvelle notre regard sur le monde, à l’image de Claude qui est reconnu par
ses pairs mais incompris du public. Ainsi, Dubuche lui déclarera après avoir vu
son ébauche de Plein Air : « Seulement, c’est ce monsieur tout
habillé, là, au milieu de ces femmes nues… on a jamais vu ça. […] Le public ne
comprendra pas… Le public trouvera ca cochon. Oui, c’est cochon. ».
Il considéré par le public comme
"un raté, un impuissant, un incapable, un grand toqué ridicule Avec Claude
Lantier, Zola fait le portrait d'un artiste maudit (comme Baudelaire, Verlaine
ou Van Gogh dont le talent n'a été reconnu qu'après leur mort)."
C- L’art,
une religion dans une quête de perfection professionnalisme
Pour Claude, l’art est une religion :
"quand il s'agit de cette sacrée peinture, j'égorgerais père et
mère..." en effet, même la mort de son enfant lui fournit un sujet de
tableau. "Je préfère peindre et en mourir". Cela le pousse aussi au perfectionnisme
: la recherche du chef d'œuvre l'empêche de terminer ses toiles «il ne savait
pas finir ; son impuissance recommença..."
La peinture de Claude traduit son drame
personnel : sa première toile Plein air est une grande toile. Elle traduit
son enthousiasme, son appétit de vivre ; L'Enfant mort traduit son
désespoir, son obsession de la mort. Le rétrécissement du cadre révèle son
impression d'étouffer.
III Claude
et le rapport à son œuvre
Claude
a un rapport passionné avec sa création. L'essence même de son art tient de la
volonté d'insuffler la vie à son œuvre, il ne désire pas simplement reproduire
une réalité il veut la récréer dans son entière globalité .
« Ah !
cet effort de création dans l’œuvre d’art, cet effort de sang et de larmes dont
il agonisait, pour créer de la chair, souffler de la vie ! Toujours en bataille
avec le réel, et toujours vaincu, la lutte contre l’Ange ! Il se brisait à
cette besogne impossible de faire tenir toute la nature sur une toile »
L'évolution
de la lutte
Il
mène un travail acharné travaillant plus de dix heure par jour porté par
l'espoir de la gloire de la réussite. Mais son ambition est telle qu'elle est
inatteignable. Ces tableaux refusés au Salon à son retour à Paris témoignent pour
Claude de cette fatalité. La réussite d'être reçu au Salon est associée pour
Claude à sa réussite de son art. Alors la passion devient obsessionnelle et la
lutte contre l'art imparfait s'amplifie. Et dans cette obstination, la volonté dépasse
l'homme. Au point ou Claude ayant perdu sa lucidité, vaincu et abattu mais qui
refuse de se résigner. La comparaison avec lutte et l'accouchement de son œuvre
tout au long de descente aux enfers tente de rapprocher art et honneur.
"Je
ne mourrais de ne plus peindre, je préfère peindre et en mourir"
Et il se fait dévorer vivant par sa
propre obsession, par son propre tableau sans avoir achevé sa quête mais à bout
de force, trop faible pour continuer. Ainsi, Sandoz à l'enterrement s'exclame:
"Ah!
cette Femme interrompit Sandoz, c'est elle qui l'a étranglé."
La souffrance mentale s'élargit à une
souffrance physique.
"Ses
pensées étaient toutes revenues, débordantes, torturantes, creusant son visage,
contractant ses mâchoires dans un dégoût humain"
La
haine et l'amour pour son art
La
représentation sur la toile plus ou moins proche de la réalité voulue par le
peintre est un personnage totalement à part entière pour Claude. Pour lui il
s'agit du véritable amour de sa vie.
Ainsi dans un accès de rage, il transperce la femme de son dernière tableau , incarnation de Paris sous les traits d'une
Christine idéale. Claude alors se pose en tant que meurtrier. Saisi par sa
propre folie, son amour transparaît avec d'autant plus de clarté et de violence à la fois
pour le lecteur et Claude.
«
Immobile, saisi de son meurtre, Claude regardait cette poitrine ouverte sur le
vide. Un immense chagrin lui venait de la blessure, par où le sang de son œuvre
lui semblait couler. Était-ce possible ? était-ce
lui qui avait assassiné ainsi ce qu’il aimait le plus au monde ? Sa colère
tombait à une stupeur, il se mit à promener ses doigts sur la toile, tirant les
bords de la déchirure, comme s’il avait voulu rapprocher les lèvres d’une
plaie. Il étranglait, il bégayait, éperdu d’une douleur douce, infinie :
– Elle est crevée… elle est crevée… »
– Elle est crevée… elle est crevée… »
Parfois les forces lui manquant, Claude
est pris du désir de la fuir et ne réapparaître "que lorsqu'il se sentait le courage de l'affronter encore"
.Voilà pourquoi l'amour qu'il a pour son oeuvre est si terrible: Claude n'est
pas capable de donner la perfection que seul semble acceptable pour son amante,
son tableau. Zola exploite ici la dimension du créateur amoureux de sa
création.
Claude,
l'homme et l'artiste
Claude
se sert de Christine comme modèle. C'est delà que naît la compétition entre les
deux femmes. La femme de l'humain et la femme du tableau, de l'artiste. Car
Claude est homme et artiste à la fois. Et Christine fut certes le modèle
l'amante et l'amie de Claude. De plus elle aime Claude d'un amour maternel. Mais
au fil du roman, c'est l'artiste qui prend le dessus sur l'homme. Christine redevient
le simple modèle, délaissée en tant qu'épouse et amante, l'un des supports pour
servir la femme du tableau et plus généralement, l'art chéri par Claude. La
jalousie qu'éprouve Christine envers l'art la pousse à accepter son sort dans
l'espoir de pouvoir reconquérir Claude et sauver l'homme de l'artiste. Elle
fait exploser sa rage dans une ultime tentative qui en vérité achèvera
l'artiste et donc l'espoir du génie. Mais l'homme ne peut supporter seule une vie
consacrée à l'art et sans barrière, cède à la mort.
Super
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