dimanche 6 décembre 2015

exposé sur Paris dans l'Oeuvre S5



Paris Dans L’Œuvre

L’Oeuvre de Zola est le quatorzième roman de la série des Rougon-Macquart. Publié en 1886, ce roman repose sur la fascination de Paris par son auteur qui y est arrivé à l’âge de 18 ans pour ne plus jamais la quitter .Ce roman nous plonge dans le Paris artistique du XIXéme siècle , et nous offre un tableau de cette ville, où l’action se déroule essentiellement, à travers le personnage de Claude Lantier .Ce peintre, héros du roman , qualifié dans l’Incipit « d’amoureux du Paris nocturne » est en effet obsédé par cette ville qui le mènera à sa perte. La ville lumière joue donc un rôle essentiel dans ce roman source d’inspiration pour les artistes du Second Empire.


I Paris, un lieu de jeunesse, de bonheur et d’inspiration

L’œuvre de Zola se déroule essentiellement à Paris ; on peut ainsi suivre le quotidien d’un groupe d’amis artistes dans la capitale sous le Second Empire.

    En premier lieux l’auteur dresse le tableau d’une ville associée au bonheur et à la jeunesse. Dès les premières lignes du roman il dépeint Paris comme le rêve de tous les jeunes et notamment de ceux qui viennent de province. Les trois compagnons Claude Lantier, Pierre Sandoz et Louis Dubuche quittent en effet chacun à leur tour Plassans pour venir conquérir la ville lumière. « C’était vrai depuis que les trois inséparables avaient réalisé leur rêve de se retrouver ensemble à Paris pour la conquérir ». Au fil de la lecture, Zola nous transporte dans un Paris rayonnant où les jeunes artistes flânent, s’amusent, se retrouvent entre eux comme le jeudi soir chez Sandoz ou encore régulièrement au café Baudequin. Dans son œuvre le romancier nous offre la description détaillée des itinéraires des promenades de la bande d’amis qui entretiennent  leur joie de vivre et leur vieille amitié. Au début du livre l’écrivain donne à voir à son lecteur un Paris dynamique ; le roman rappelle en effet un événement historique important qu’est l’ouverture du Salon des Refusés par Napoléon III, en réaction au mécontentement des artistes. Deux chapitres du roman sont consacrés aux salons, d’abord le Salon des Refusés, avec l’exposition de Plein Air, puis le Salon Officiel avec L’Enfant mort. Ces évènements représentent l’aboutissement de l’œuvre de ces artistes.
Paris devient le rêve des artistes de ce roman et leur source de talent.


    Mais la capitale est avant tout au cœur de l’inspiration de ses jeunes artistes. Le romancier donne en effet une dimension vitale à Paris dans l’existence de Claude. C’est ainsi que le peintre établi à Bennecourt depuis quatre ans ne rêve plus que d’y retourner malgré ses contradictions : « Il frémissait, Paris l’appelait à l’horizon, le Paris d’hiver qui s’allumait de nouveau [] Et, dans cette hallucination, dans le besoin qu’il éprouvait de courir là-bas, il s’obstinait à refuser d’y aller, par une contradiction involontaire. »
De plus, dans le tableau qui achèvera sa vie, Claude prend modèle sur sa chère ville à qui son cœur appartient. Il la considère comme sa muse et la contemple telle que  sa femme de jour comme de nuit. Il est bien qualifié dans l’Incipit « en artiste flâneur, amoureux du Paris nocturne. L’auteur consacre deux pages à décrire le nouveau tableau de Claude : au premier plan le port de Saint Nicolas, puis au milieu la Seine avec en second plan le pont des arts et encore derrière le pont neuf puis l’île Saint Louis. Si l’hôtel de ville laisse la place à la Saint Chapelle ainsi qu’à Notre Dame de Paris. Un touriste trouverait ainsi dans ce tableau les lieux symboliques de la capitale.
En outre Sandoz place aussi Paris en décor principal de sa série d’écrits. Chaque quartier sert de toile de fond aux évènements qui s’y déroulent, et parfois même pourrait passer pour quelques personnages.


Ainsi cette ville représente non seulement l’inspiration de ces artistes mais également leur force et leur passion. Elle est le lieu de leur inspiration mais elle les marque également par les rencontres qu’ils font. Sa lumière, ses couleurs, son architecture ainsi que son histoire nourrissent leurs âmes. C’est l’élément principal qui porte Claude dans son éternel recherche de talent : « Après le refus de son troisième tableau, l’été fut si  miraculeux, cette année-là, que Claude semblait y puiser une nouvelle force. » C’est bien entendu un été à Paris qu’il passe, qu’il y trouve sa joie et son réconfort.  Des relations qu’il va nouer c’est bien sûr la rencontre de sa compagne, Chrisine, qui va marquer son destin. Lui, comme les autres, tomberont amoureux de la ville tout en tombant amoureux dans celle-ci ; associant le cadre et les personnes pour toujours dans leur souvenir.

Cependant malgré ses lumières, le Paris du XIXème siècle est aussi la prison de ce pauvre Claude qui va s’y perdre jusqu'à se donner la mort ! « Claude ne l’écoutait toujours pas, ce cœur de Paris l’avait pris tout entier ». Certes elle fascine les artistes mais elle semble également les y enfermer comme dans une cage. Après son échec cuisant au salon des refusés, Claude qui tente de fuir Paris en s’installant à Bennecourt est malgré cela envahi par une forte nostalgie, comme si sa mémoire était à jamais marquée par les sensations qu’il avait éprouvées. A tel point que l’écrivain métamorphose cette ville pleine de dynamisme et de vie en une cité mystérieuse et effrayante qui absorbe et consume entièrement l’existence de ceux qui y ont  vécus.

2) Le tragique dans l’œuvre

Claude Lantier, possède un talent pour la peinture mais la réalisation de celle-ci est défaillante. Il tente désespérément de réussir sa seconde œuvre : la vue de l’île de la cité mais ses échecs et ses découragements le mèneront à la pendaison. Il connait bien Paris par ses visites de la ville et ses déménagements, il a tout d’abord habité sur l’île de la cité, puis dans deux logements différents dans l’actuel 8ème arrondissement. C’est un « artiste flâneur de la ville ». Cependant Paris l’obsède et devient une partie de lui-même qui le mène à commettre des erreurs fatales. Paris devient donc un élément du tragique de l’histoire.
Tout d’abord, Claude est marié avec Christine et possède un enfant. Cependant son amour pour sa femme est remplacé dans le texte par son amour pour Paris. La ville décrite comme un personnage dont le caractère s’intensifie en avançant dans le récit. Au début du roman, les peintres et Claude sont des « amoureux du Paris nocturne » et ils réalisent régulièrement des marches comme le montrent les premières pages où Claude rentre à sa maison après une balade : « il s’était oublié à rôder dans les halles ». L’incarnation de Paris est rendue possible par les nombreuses descriptions de l’auteur ce qui le rend omniprésent et en particulier dans l’esprit de Claude. Paris acquiert une vitalité et une apparence humaine : Claude décide par la suite de peindre ses personnages nus sur son tableau représentant Paris afin de montrer « la ville nue et passionnée, resplendissante d’une beauté de femme ». Ainsi, Christine devient jalouse de l’amour éprouvé par son mari. L’homme à qui elle consacre sa vie et un peintre dont la seule passion est l’art et celui de peindre le Paris le plus réaliste possible. Christine est donc reléguée au rang de second amour, tout comme leur fils. Elle cherchera à se battre contre sa rivale comme le montre son anxiété à retourner dans cette ville : « ce retour dans la ville de passion, où elle sentait une rivale!» (Chapitre VI), ils ont habité hors de Paris pendant 3 ans et Claude est attiré par la ville. Elle lui demande elle-même au chapitre XII: «elle est ta femme, n’est-ce pas ? ». Paris devient un des protagonistes de l’œuvre, sa personnification continue avec des éléments comme « Paris s’endort dans sa gloire ». Ainsi Claude en vient à être totalement amoureux de son Paris jusqu’à en délaisser sa femme, sa mort tragique est liée à son incapacité à reproduire Paris de façon réaliste. A la fin du roman la ville prend une tournure particulière : « ce Paris maudit ». Christine craignait la ville de Paris, la voyait « menaçante et dangereuse », prenant une fois encore des traits humains, Paris passe dans le cœur de Claude d’un « rêve » à une « cité tragique » et vole ainsi la place de Christine.
La vision de Paris dans l’œuvre permet de faire avancer l’intérêt dramatique du roman, en effet une composition très structurée se profile dans le roman. Elle apparaît tout d’abord par le ménagement d’effets préparés à l’avance comme par exemple le spectacle du premier chapitre offert à Christine par Paris et la Seine pendant l’orage où des grues immobiles évoquent dans son esprit les bras d’une potence ce qui préfigure la pendaison de Claude causée en partie par l’obsession du peintre par ce paysage. De plus la technique zolienne de la répétition est très utilisée permettant de présenter le progrès dramatique : le quai des Ormes apparait 4 fois, La description de Paris à quatre heures est répétée 5 fois et celle de la pointe de la cité 4 fois. Et enfin nous pouvons noter que l’œuvre s’ouvre sur un élément spatial récurrent par la suite : les ponts de Paris. L’histoire de Claude et Christine est jusqu’à la fin liée à des ponts : si Christine interdit tout d’abord à Claude de la raccompagner au-delà du pont Louis-Philippe, elle devient ensuite plus indulgente mais l’arrête toujours avant le Pont Royal. Surtout c’est sur un pont, le pont des Saints Pères (actuel pont du Carrousel) que Claude est empoigné par le spectacle du cœur de Paris dont la volonté de rendre la vue réaliste et la hantise de ce pont le mèneront au suicide.
L’œuvre se déroule en grande partie à Paris (excepté 3 ans à Bennecourt), ainsi les activités de la ville permettent à l’intérêt dramatique du roman de progresser. Les Salons où Claude est constamment refusé sont des raisons de son désespoir, son unique réussite au salon des refusés est finalement un échec. De plus la population de Paris comme les revendeurs d’art, le jury des salons et le public l’exaspèrent trouvant sa peinture médiocre car trop éloigné de l’habituel romantisme. Ces éléments contribuent au tragique du roman mais les artistes sont décidés à conquérir Paris, désir matérialisé par leurs promenades : « marche libre d’une horde partie en guerre ». De plus, comme souvent chez Zola, les personnages se définissent par les lieux qu’ils occupent, les déménagements des uns et des autres (3 fois pour Claude et 3 fois pour Sandoz dans Paris) matérialisent leurs parcours : Fagerolles s’installe dans un hôtel de l’avenue de Villiers, le quartier des parvenus sous le second Empire, tandis que les déménagements successifs de Claude dans des logements où l’atelier (lieu où l’artiste s’occupe de Paris) prime sur sa vie de famille montrant les priorités de l’artiste. En effet la famille habite des appartements de plus en plus petit pour des ateliers de plus en plus grands jusqu’au dernier où les trois personnages vivent dans l’atelier même : rue Tourlaque, « halle de 15m sur 10 qui ne leur donnait qu’une pièce, un hangar de bohémiens faisait tout en commun » ce qui contribue fortement au tragique de l’œuvre.

3) Paris un élément du naturalisme

L'Oeuvre est défini comme un roman naturaliste. Zola est en effet le chef de file de ce mouvement, né vers le milieu du XIXème siècle. Il s'agit d'une amplification des idées du réalisme, courant qui consiste à représenter le plus fidèlement la réalité, à adopter une attitude presque scientifique devant la vérité.

            Le naturalisme se caractérise par de nombreuses descriptions très riches et détaillées. En effet ici, les passages descriptifs se retrouvent quasiment à chacune des pages du roman. On a un nombre incalculable de noms de rues ou de bâtiments qui sont évoqués, comme par exemple, seulement aux pages 126-127 du chapitre IV, on peut relever : l’île Saint-Louis, l'Hotel de Ville, l'Estacade, le Jardin des Plantes, Notre-Dame, Passy, le Pont-Neuf,...  Tous ces lieux de Paris sont cités dans le but d'intégrer le plus possible le lecteur à l'histoire, qu'il puisse situer exactement où se passe l'action. Il existe aussi une volonté de ne rien omettre, de décrire une ville moderne pour que les contemporains de l'auteur puissent s'y reconnaître. Lors des promenades de Claude notamment, on peut observer une accumulation de noms de rues, toujours dans ce même objectif de vision naturaliste, par exemple page, 83, dans le chapitre III : « Après avoir descendu la rue du Four, elle s'était ruée à travers la place Gozlin et elle se jetait dans la rue de l'Echaudé. (...) Rue Jacob, la débâcle devint telle, au milieu de cris si affreux, que des persiennes se fermèrent. Comme on entrait enfin rue Bonaparte(...) ».
D'autre part, on constate que les éléments de la ville sont présentés tels qu'ils sont ; dans l'incipit par exemple, on a : « des vieux hôtels rangés devant la Seine », « le grand air triste des antiques façades », … Les adjectifs qui qualifient ces lieux de Paris ne sont pas mélioratifs, et peuvent même, tout au long du roman, être réellement dépréciatifs.
            Les descriptions très précises de Paris ont également un intérêt historique. En effet, c'est sous le Second Empire que le baron Haussmann a effectué ses grands travaux, et la série des Rougons Macquarts illustre bien tous les changements et l'évolution de la ville de Paris grâce à ces aménagements.  Cela permet également de mieux nous rendre compte de comment était Paris à l'époque de Zola.
Le livre comporte très peu d'indications de temps, qui sont pourtant nécessaires pour inscrire l'histoire dans une optique de naturalisme. On ne peut se référer qu'à la création du Salon des Refusés par Napoléon en 1863. Ce manque de dates est ainsi compensé par les nombreuses indications spatiales qui décrivent les différents lieux de Paris.
            Dans l'Oeuvre, c'est au milieu artistique que Zola s'intéresse. Les descriptions des différents quartiers et lieux de la ville sont faites du point de vue des artistes de l'époque. Cette manière de voir la capitale renforce donc encore plus l'aspect naturaliste de l'histoire. Pour certains lieux, comme l’île de la Cité, il s'agit même de comment Claude les voit et veut les peindre. On a alors l'impression de réellement entrer dans la peau du personnage . Cela permet de nous rendre encore mieux compte de la condition sociale des artistes.
            De plus, on peut dire qu'il s'agit d'une véritable enquête sur le monde de l'art au XIXème siècle. Les lieux évoqués comme les bords de Seine, l’île Saint-Louis ou la butte Montmartre sont en effet des lieux fétiches des peintres comme Cézanne ou Monet.
Paris est la ville de Zola, puisque comme Claude, c'est un amoureux de la ville lumière. Il est intéressant de noter qu'au début de sa carrière, l'auteur habitait dans des mansardes, d'où il apercevait les toits de cette ville qui s'étend à perte de vue. C'est surtout pour cela qu'il a choisi de placer son histoire dans un cadre parisien, parce que c'est une ville qu'il connaît très bien et qu'il aime. Étant lui-même artiste, il a pu rendre compte des émotions et des sentiments que provoquaient cette ville pour lui en les faisant passer pour ceux de Claude. Cette vision très claire de l'impact de la capitale participe à renforcer le procédé naturaliste employé dans l'Oeuvre.






  Ainsi l’auteur confère à la ville de Paris une personnalité lyrique et y fait évoluer les personnages de son roman. Il le fait cependant avec beaucoup d’objectivité en tant que chef de file du naturalisme. Zola cherche donc à transmettre au lecteur à l’aide du réalisme une vision attractive et destructrice de la capitale qui met en valeur sa tragédie.
 Le cadre parisien a été repris par Zola avant et après l’Œuvre. Il y place en effet l’Assommoir  et donne donc avant l’Œuvre la perspective d’une ville qui inhibe ses habitants. On y découvre la déchéance lente mais rapide des personnages de l’intrigue qui cependant évoluent seulement dans la ville.

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